Mensuel, N° 398, Avril 2014, 6,40€
Voici un dossier très alléchant de L'Histoire, en phase avec l'actualité d'Herodote.net : Les libertins, l'incroyance et le plaisir.
Didier Foucault évoque un précurseur oublié, Cesare Vanini, qui fut brûlé à Toulouse en 1619 pour cause de blasphème. Stéphane Van Damme fait de son côté le tour d'Europe des dissidents du XVIIe siècle, dont le principal crime était de remettre en cause le dogme religieux et d'afficher leur incroyance ou leur athéisme. Cette aspiration à la liberté de penser allait de pair avec une grande liberté de moeurs, comme dans le cas de Théophile de Viau.
Soulignons aussi le remarquable exposé de Nicolas Werth sur les pogroms des guerres civiles russes en 1918-1921.
L'auteur rappelle que la Russie avait déjà connu une première vague de pogroms (émeutes antijuives) en 1881-1884 après l'assassinat du tsar libéral Alexandre II. Une deuxième vague a eu lieu en 1903-1906, après le meurtre d'un garçonnet près de Kichinev, aussitôt qualifié par la rumeur de « meurtre rituel ».
La Révolution démocratique de Février 1917 a réveillé les sentiments antisémites de la population rurale et entraîné de multiples agressions contre les populations juives, suspectées de collusion avec l'Ancien Régime ! Mais ce n'était encore rien à côté des massacres occasionnés par la guerre civile, après la Révolution bolchévique d'Octobre, entre les Rouges d'un côté, les Blancs et les nationalistes ukrainiens de l'autre. Au moins 100.000 tués, 200.000 blessés, 300.000 orphelins, un demi-million de réfugiés, d'innombrables femmes violées.... sur cinq millions de juifs, soit la moitié de la population juive mondiale.
La propagande antibolchévique glose volontiers sur l'origine juive de plusieurs dirigeants bolchéviques dont le redoutable chef de l'Armée rouge, Trotski, ce qui a pour effet d'attiser l'antijudaïsme traditionnel de la paysannerie. Mais les juifs sont également victimes pour d'autres raisons de violences de la part de certaines unités de cavalerie de l'Armée rouge !
Nicolas Werth voit dans ces drames rien moins qu'une préfiguration de la Shoah, le chaînon manquant entre l'antijudaïsme traditionnel et l'antisémitisme éradiquateur des nazis.
Le magazine évoque par ailleurs le développement du commerce international sous l'Ancien Régime dans un entretien avec Laurence Fontaine.
Notons aussi, sur un tout autre sujet, une notice biographique sur Mary Lou Roberts, historienne américaine qui s'est penchée sur un sujet délicat entre tous : les viols commis par les GI's en Normandie, après le débarquement du 6 juin 1944.
La publication des Mémoires du colonel de La Rocque conduit aussi le magazine à s'interroger sur l'accusation de fascisme portée contre son mouvement des Croix-de-Feu.
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