Mussolini

La naissance du fascisme (1919-1922)

La Grande Guerre de 1914-1918 laisse l'Italie dans une crise profonde : aux pertes de la guerre et aux insatisfactions engendrées par les traités de paix s'ajoute une crise sociale et politique ; le pays est endetté et victime de l'inflation ; le chômage sévit dans les villes et les campagnes.

Autant de facteurs dont Benito Mussolini va user pour accéder au pouvoir et assurer le succès d'une idéologie nouvelle, le fascisme. Il s'agit d'une idéologie non pas réactionnaire mais révolutionnaire, qui aspire à bâtir un « Homme nouveau », souligne l'historien Frédéric Le Moal (Une histoire du fascisme, Perrin, 2018).

Fabienne Manière

La création des « fasci »

Après l'armistice, les grandes villes industrielles du nord sont paralysées par des grèves à répétition, souvent violentes (les ouvriers sont armés), cependant que dans le sud, les ouvriers agricoles occupent les latifundias, immenses propriétés détenues par de riches propriétaires absentéistes et généralement mal exploitées. Beaucoup craignent une répétition de la révolution bolchevique qui a eu lieu en Russie deux ans plus tôt.

C'est dans ce contexte que Benito Mussolini, un leader socialiste passé au nationalisme, fonde en 1919, à Milan, en Italie du nord, les Faisceaux italiens de combat (Fasci italiani di combattimento).

Les « fasci » (dico) sont des groupes paramilitaires constitués de laissés-pour-compte (chômeurs, anciens combattants, petits bourgeois aigris....). Mussolini veut s'en servir pour conquérir le pouvoir par la force, en application des théories de l'anarchiste français Georges Sorel, qui prône la violence, et de Lénine, qui préconise le recours à une avant-garde de révolutionnaires professionnels.

Le leader italien prône le combat contre le bolchevisme et le socialisme, mais aussi contre le capitalisme et la démocratie parlementaire. Il veut instaurer une République autoritaire et laïque (l'Italie est alors une monarchie constitutionnelle) en vue de restaurer la grandeur et la dignité du pays.

Mussolini rejette par ailleurs les théories de Karl Marx sur la lutte des classes (ouvriers contre patrons) et se propose d'établir une société « corporatiste ». Dans cette société idéale, patrons et salariés collaboreraient ensemble au bien-être commun au sein d'organisations inspirées des corporations professionnelles du Moyen Âge, qui rassemblaient maîtres, compagnons et apprentis. Les conflits d'intérêts seraient arbitrés par l'État.

Vers la prise de pouvoir

Publication fasciste typique des années 1920 En 1920, Mussolini, rompant avec ses origines socialistes, veut s'ériger en rempart face aux désordres sociaux qui agitent les villes et les campagnes.

Il crée une milice armée au sein de son mouvement, les squadre (les escouades). Ces miliciens, les squadristi, sont surnommés les « Chemises noires » en raison de leur uniforme inspiré de celui de Gabriele d'Annunzio, un poète et militant nationaliste de grand prestige.

Ils sont en bonne partie issus des arditi, les corps-francs ou troupes d'élite démilitarisées à la fin de la Grande Guerre. Bénéficiant d'armes et de camions généreusement fournis par le ministère de la Guerre, ils multiplient les campagnes d'intimidation contre leurs opposants de gauche : socialistes, communistes, syndicalistes.

Ils attaquent les Bourses du travail, où se rassemblent les syndicats ouvriers, saccagent les sièges des journaux d'opposition, brisent les grèves et multiplient les manifestations de force. Ils bastonnent leurs victimes avec un gourdin, le manganello, ou les obligent à avaler de l'huile de ricin, ce qui a pour effet de leur vider les intestins ! Ils vont parfois jusqu'à l'assassinat.

Les fascistes, bien que très minoritaires, apparaissent comme des garants de l'ordre (!) face aux menaces révolutionnaires et bénéficient à ce titre de l'indulgence des forces de l'ordre et de la justice du gouvernement de Giovanni Giolitti, le Président du Conseil.

Ce dernier, âgé de près de 80 ans et à la tête du gouvernement depuis trois décennies presque sans discontinuer, compte sur les fascistes pour contenir la gauche révolutionnaire, d'autant qu'au sein du Parti socialiste italien (PSI), les partisans de Lénine prennent de plus en plus d'importance, jusqu'à faire scission et fonder le Parti communiste italien (PCI) le 21 janvier 1921. Le risque d'une subversion communiste comme en Russie n'en devient que plus grand aux yeux des conservateurs. 

En mai 1921, les fascistes se présentent aux élections générales et 35 seulement sont élus députés, dont Mussolini lui-même. En novembre de la même année, un congrès fasciste transforme le mouvement en un Parti National Fasciste dirigé par Mussolini, lequel se rallie à cette occasion à la monarchie.

Passant de 17 000 en 1919 à 700 000 en 1922, les militants fascistes n'arrivent pas pour autant à convaincre le corps électoral. Mais ils démontrent leur force en août 1922 en brisant une grève générale dirigée contre eux.

Mussolini chef du gouvernement

Là-dessus, sûr de l'appui du patronat et de la police, Mussolini menace de marcher sur Rome à l'image du poète Gabriele d'Annunzio et de sa  « Marche sur Fiume ». Les Chemises noires de province, au nombre d'environ 40 000, commencent dans le désordre à converger vers la capitale.

Face à cette menace de coup d'État aux airs de grand-guignol, la droite démocratique supplie le roi Victor-Emmanuel III de décréter l'état de siège. Mais le souverain ne s'y résout pas par crainte d'une guerre civile. Comme le président du Conseil, Luigi Facta, il pense que Mussolini peut, après tout, aider à sauver un régime en pleine décomposition et qu'il sera toujours temps de s'en débarrasser après.

Le 29 octobre 1922, Victor-Emmanuel propose donc à Mussolini qui, de Milan, observe prudemment les événements, de prendre la tête du gouvernement dans les règles. Pour donner l'illusion d'une prise de pouvoir personnelle, Mussolini entre dans la capitale italienne le 30 octobre, entouré des hiérarques et des militants fascistes, au terme d'une très symbolique « Marche sur Rome ».

La pantalonnade fasciste tourne au triomphe. À la tête d'un gouvernement qui ne compte que quatre ministres fascistes, Mussolini se montre dans les premiers temps respectueux des règles constitutionnelles. Sa détermination et son verbe lui valent la sympathie des élites, y compris d'illustres intellectuels comme Benedetto Croce.

Mais, dans les provinces, les Chemises noires poursuivent la mise au pas des organisations syndicales... En novembre 1922, Mussolini prononce devant la Chambre des députés un vigoureux discours dit « du bivouac » : il déclare qu'il n'appartient qu'à lui de transformer le gouvernement en « bivouac de ses manipules » ! Députés et sénateurs se résignent alors à lui accorder les pleins pouvoirs pour un an. On va vers l'installation d'une dictature totalitaire d'un nouveau genre, l'État fasciste.

Publié ou mis à jour le : 2023-11-14 07:39:43

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